"UN NOUVEAU PROCUREUR FINANCIER NATIONAL: POURQUOI FAIRE?...

Publié le par lou-de-louise

... On s'est inquiété d'un fait juridique non identifié voire de construction et création aventureuse... mais l'indépendance du parquet financier est aussi une affaire d'esprit, de coeur et de courage..."

C'est en ces termes que s'est exprimé Eliane Houlette, la nouvelle procureur financier national du TGI de Paris ( en place depuis le 1er février 2014) lors de son installation le 3 mars dernier par le Procureur Général près la Cour d'Appel de Paris François Falletti, donnant ainsi le la de la nouvelle partition judiciaire que va désormais exécuter cette dernière à la tête du nouveau parquet spécialisé dans la lutte contre la corruption et la fraude fiscale. Un discours dans le style réponses aux questions que se posent toujours bon nombre de magistrats mais aussi politiques quant à la répartition des affaires sensibles devant échoir désormais à l'existence et aux compétences de deux parquets (l'autre étant confié depuis novembre 2011 à son chef François Molins); voire une façon aussi d'affirmer d'une main de fer dans un gant de velours la position hors hiérarchie de cette nouvelle entité judiciaire et d'en imposer ses prérogatives. Lesquelles seront observées avec la plus grande attention dans son rôle de "coordinateur et d'arbitre" par le Procureur Général Faletti ( Art 705-4 du CPP et art 35 du CP concernant la résolution des conflits de compétences) comme il devait le mentionner lors de cette soixante huitième installation dans ses "Réquisitions d'usage " en vertu " de la plus value que pourra apporter ce parquet national car il faudra maintenant développer une vraie visibilité avec votre parquet et celui de Paris...et la nécessité d'articulation avec ce dernier qui compte pas moins de sept cent dossiers d'enquêtes préliminaires dont deux cents au plan financier , mais aussi des relations avec les autres parquets de France....la coordination avec les huit pôles d'instructions intervenant à cet effet , les JIRS, ...mais aussi la nécessité d'interactions avec les diverses instances européennes comme l'OLAF et EUROJUST et la nécessité de dégager désormais une vision de concertation...d'indépendance et d'être attentifs finalement ensemble"...

Certes à l'heure où la réforme du parquet tant demandée par bon nombre de magistrats n'est toujours pas inscrite à l'ordre du jour judiciaire, la création de ce nouveau parquet national financier qui pourrait venir en doublon du parquet parisien en matière du choix des affaires et de le dessaisir en matière de leur règlement a quelque raison d'effrayer l'ensemble de la profession dont le premier , François Molins, concerné par celui de l'Affaire Cahuzac qui est passé désormais sous compétences du procureur financier.

Hasard de la situation....? Cette naissance portée sur les fonds baptismaux de l'autel judiciaire s'inscrit toutefois dans la politique prônée par François Hollande et son gouvernement effectivement au lendemain de l'Affaire Cahuzac , véritable tsunami républicain dont les déferlantes ont largement submergé non seulement les arcanes judiciaires mais encore in extenso l'État de droit, mettant en exergue un État démocratique quelque peu plombée par l'Affaire.

Relayée donc par le gouvernement et la Garde des Sceaux, la feuille de route présidentielle s'est évertué à fixer les objectifs dès le 20 avril 2013 "au nom de la transparence de la vie publique" ( Loi du 11/ 10/2013) , le renforcement des moyens de lutte contre la grande délinquance économique et financière et les paradis fiscaux, d'autant que le Rapport de l'OCDE du mois d'octobre n'avait pas été très tendre avec la France, laissant entendre un système judiciaire passablement laxiste et très complaisant en matière de répression de la Corruption.

Ainsi présentée par la Garde des Sceaux en conseil des ministres le 7 mai 2013, le projet de la loi organique adopté en première lecture par l'Assemblée nationale le 25 juin 2013 se voit rejeté par deux fois par le Sénat le 18 juillet d'abord puis le 18 octobre 2013. Il faudra alors attendre la saisine du premier ministre Ayrault pour que la loi organique relative au blanchiment et au procureur financier national soit adoptée le 5 novembre 2013, définitivement promulguée le 6 décembre 2013 et publiée au JO le 7, portant par le fait même la Circulaire de politique pénale du 30 janvier 2014.

Focus sur la Circulaire NOR JUSD 1402887 C du 30 Janvier 2014.

Elle permet désormais à l'Institution judiciaire d'être dotée de moyens lui permettant de "faciliter la détection des infractions, de renforcer son efficacité des poursuites et d'accroître le recouvrement des avoirs criminels". Elle crée par le fait même dans un premier temps l'Office Central de Lutte contre la Corruption et les Infractions financières et fiscales: OCLCIFF puis instaure par les Lois n° 2013-1117 et 2013-1115 du 6 décembre 2013 le procureur national financier et la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière.

ELIANE HOULETTE: UNE NOUVELLE PROCUREUR DÉCOMPLEXÉE SUR LA GESTION DE LA "GRANDE COMPLEXITÉ DES AFFAIRES".

Certes il n'est pas simple pour une femme d'abord de l'être, ensuite d'occuper de hautes fonctions comme celle d'être à la tête d'un parquet en devenir aussi ciblé. Sans plagier Simone de Beauvoir, est-ce à dire " qu'on ne naît pas procureur mais qu'on le devient?"...

Certes il est essentiel voire vital de séparer non seulement les pouvoirs mais encore ceux de l'Étre et de son Étant. Pour cette ancienne avocate générale désormais nommée par le Président de la République pour sep ans, sont ce sa spécialisation en matière Civile ( droit des mineurs et de la famille) à la Cour d'Appel de Paris ou son statut de substitut à la la section économique et financière de Paris de 1993 à 2001 , de Commissaire du gouvernement auprès du Conseil des ventes publiques ou bien encore sa réputation d'indépendance qui ont penché sur le plateau de la balance judiciaire... ? Peut-être le mélange de tous les critères car les voies du Seigneur sont impénétrables...

Il n'empêche que cette sexagénaire à la tête de ce nouveau parquet rattaché au TGI de Paris sera dotée dans l'exercice de ses fonctions, "de compétences resserrées et d'un degré de spécialisation renforcée".

Afin que faire se peut dans sa lutte contre les fraudeurs et instaurer ce que la Procureur Houlette définit comme désormais " une force de frappe" ou Task force fondée "sur le renforcement des pouvoirs d'enquêtes, de la prise en compte des lanceurs d'alerte ou encore des repentis" , cette dernière sera assistée dans un premier temps par cinq magistrats (sur les 22 prévus auxquels il faudra ajouter dix juges d'instructions spécialisés) : deux procureurs adjoints Michel Pélegry et Ulrika Weiss et de deux vice procureurs Patrice Amar et Monica d'Onofrio et d'un greffier Ariane Amson . Un parquet qui pourra aussi s'appuyer sur l'OCLCIFF qui a fusionné avec la Brigade nationale de répression de la délinquance fiscale et financière ( BNRDF) et la Brigade nationale de lutte contre la corruption et la criminalité organisée (BNLCCF).

Toutefois si la Loi du 6 décembre 2013 voit la suppression de quelques pôles d'instruction en matière économique et fiscale ( Art 704 al 1 du CPP), par contre les compétences des JIRS ( Juridictions interrégionales spécialisées ( Art 706-75 du CPP) sont maintenus et renforcés.

LES COMPÉTENCES IN EXTENSO DU PARQUET FINANCIER NATIONAL

Ce parquet se singularise par sa compétence exclusive en matière des délits boursiers , devenant de ce fait l'interlocuteur privilégié de l'Autorité des Marchés Financiers ( AMF) , lesquelles sont soumises à concurrence avec le Parquet de Paris en matière notamment de traitement de la corruption d'agents publics étrangers ( Art 435-1 à 10 du CP), de corruption privée et de paris sportifs ( Art 445-1 à 445-2-1 du CP) .

In fine ce parquet peut intervenir sur tout délit touchant à l'atteinte au devoir de probité bénéficie d'importantes prérogatives dans le secteur public en matière de fraude fiscale commise en bande organisée ainsi que sur le blanchiment . Il peut être aussi saisi en matière de prise illégale d'intérêts, d'escroquerie à la TVA ou encore de pantouflage, de favoritisme, de détournement de fonds publics ou encore d'obtention illicite de suffrages en matière électorale pouvant être commis par des politiques ou auteurs exerçant de très hautes fonctions. Le parquet national financier pourra être aussi saisi en matière de montages financiers opaques et "d'une grande complexité" qui nécessitent des investigations techniques pointues comme dans le cadre de plus en plus fréquent relatif aux paradis fiscaux, fiduciaires, off shores voire fondations. Concernant toutefois les plaintes pour corruption relevant du secteur privé,donc d'un particulier, elles échoueront à la compétence du parquet de Paris ou à celles des parquets territoriaux , ceux-ci constituant un premier filtre avant de faire suivre, après leur évaluation respective , au parquet national financier.

Ce parquet s'articulera autour des compétences, entre autres, de la Cour des Comptes et de celles régionales mais aussi de Tracfin, des tribunaux de commerce , de l'AMF , des mandataires judiciaires voire des Douanes ou encore de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique.

Concernant le dessaisissement pour des affaires instruites par les magistrats spécialement désignés par le Premier Président, le procureur de Paris devra informer par soi-transmis le juge d'instruction que le dossier sera désormais suivi par le procureur national financier ; le greffier du magistrat instructeur avisant par voie de conséquences les parties que le dossier dépend désormais des compétences du procureur national financier.

Aussi dans cet inventaire à la Prévert qui va nécessiter dans un premier temps bon nombre de contorsions judiciaires incombant au critère de nouveauté, gageons que François Faletti qui a démontré ses grandes compétences en matière de traitement de la Corruption et de la grande criminalité organisée non seulement dans l'hexagone mais encore au niveau européen , continuera de faire valoir et prévaloir ses règles arbitrales . Car en justice comme dans tous les secteurs d'activités existants tels par exemple dans celui du rugby , on note que si les équipes se battent sur le terrain , il s'avère que c'est souvent la faute à l'arbitre qui ne sait pas " tenir les équipes " ...mais qui est, de part sa position , toujours présent pour " les recadrer sans les déborder".

LOUISE DE LOU

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