PERMIÈRE PARTIE: LA CORRUPTION OU LE DÉTOURNEMENT DE L'ÉTAT DE DROIT (page 3)

                                                                              PREMIERE PARTIE

 

 

 

                                              LA CORRUPTION OU LE DETOURNEMENT DE L 'ETAT DE DROIT

 

 

 

Quatorze ans de socialisme mitterrandien, douze ans de chiraquisme ont permis notamment à l' électeur français de constater que la Corruption n'était pas la panacée d'une tendance politique mais relevait plutôt du non respect des règles de droit voire de leur violation par des individus peu scrupuleux. Ainsi toute superstructure renvoie au fonctionnement d'un Etat de droit.

" La Corruption se déploie dans le temps d'un récit et s' analyse dans la structure d'un concept"  se plaît à le souligner Etchegoyen ( *27) dans son ouvrage le Corrupteur et le Corrompu: Ed Juilliard).

Mais avant d'aller plus loin , il serait judicieux de définir la notion d'état de droit et de voir comment l' ensemble public le plus achevé politiquement et constitué par un ensemble de normes, a pu ou peut-être détourné dans ses applications; par qui et quels sont les moyens employés. Car il semble en effet que l' état n' implique pas la Corruption mais que c'est bien cette dernière qui s'immisce dans le service public par le biais de pratiques privées.

 

A:Un comportement qui touche tous les rouages du Système

 

1°: Définition de l' état de droit

 

      a:l'approche systémique

 

Par définition, un état de droit représente un système institutionnel dans lequel la présence publique est soumise au droit et sous-entend par le fait même l' existence de normes, de règles acceptées par les personnes afin de régir les rapports sociaux et garanties et sanctionnées par l' intervention de la puissance publique c'est-à-dire l' Etat.

La notion de l'Etat de droit n'est pas un phénomène nouveau car déjà dans " De l' Esprit des Lois" Montesquieu s'interrogeait sur le système politique à travers l' application de ses lois ( du latin lex, legis: loi). Le système anglo-saxon emploie le terme de " Rules of law" pour expliquer les règles de droit.

Du substantif féminin latin: norma, ae signifiant une règle, une équerre, l' état renvoie à l' existance de règles. De plus l'état de droit serait aussi le cadre de l' existence et de l' appauvrissement ds libertés fondamentales qui se définissent comme un ensemble de droit et de libertés lui donnant tout en l' encadrant et en le protégeant sa véritable légitimité" la liberté n'est-elle pas le droit de faire ce que les lois permettent" écrivait Montesquieu.

Dans sa théorie du système démocratique qui passe selon lui par un pouvoir aristocratique libéral, Montesquieu prône afin de préserver l' indépendance des institutions et des libertés fondamentales, un système de hiérarchisation des lois passant par la séparation des pouvoirs entre un pouvoir législatif, exécutif et judiciaire et ce afin de limiter par le fait même, la puissance de l' État. " Pour qu' on ne puisse abuser du pouvoir il faut que, par disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir". Et d'ajouter dans De l' Esprit des Lois: Chap XI, III et VI: " Lorsque dans la même personne ou le même corps de magistrature, la puissance législative est remise à la puissance exécutrice, il n'y a point de liberté; parce qu' on peut craindre que le même monarque ou le même sénat ne fasse des lois tyranniques pour les exécuter tyranniquement...Il n'y a point encore de liberté si la puissance de juger n'est pas séparée de la puissance législative et de l' exécutrice. Si elle était jointe à la puissance législative, le pouvoir sur la vie et la liberté des citoyens seraient arbitraire car le juge serait législateur. Si elle était jointe à la puissance exécutrice, le juge pourrait avoir la force d'un oppresseur. Tout serait perdu si les millions d'hommes ou le même corps de principaux ou des nobles ou du peuple exerçaient ses trois pouvoirs: celui de faire des lois, celui d' exécuter des résolutions publiques et celui de juger les crimes et les différences des particuliers.

Seul le suffrage universel est la source du pouvoir. C'est du suffrage universel ou des instances élus par lui que découlent le pouvoir exécutif et le pouvoir judiciaire. Le pouvoir exécutif et le pouvoir judiciaire doivent être effectivement séparés de façon que le gouvernement et le parlement assurent chacun pour sa part et sous sa responsabilité la plénitude de leurs attributions."

 

Au XXème siècle un juriste autrichien Hans Kelsen complète cette théorie en y ajoutant l' existence de personnes compétentes pour mettre en oeuvre les normes juridiques au sein de l' appareil institutionnel . Dès lors la hiérarchisation tient compte d'une organisation certaine. Au sommet pyramidal étatique , on trouve d'abord la constitution représentant la norme la plus élevée ( une suprématie mise à mal d'ailleurs par les Conventions), puis les engagements internationaux , les lois, les règlements, les décisions administratives et les conventions qui représentent des entités à part entière et sont de véritables sous-systèmes ayant une organisation propre à l' intérieur du système étatique.

Or les normes édictées ne sont valables qu' en vertu du respect de l' ensemble du droit et du principe de légalité. Bien qu' étant un modèle théorique par excellence , l'Etat a peu à peu évolué vers la politique. Il constitue un modèle inhérent aux régimes démocratiques car le droit n'est-il pas l' instrument de régulation par excellence de l' organisation politique et celui dans lequel les élus sont tenus par le droit qui a été édicté?.

Car c'est bien l'Etat qui en premier lieu a compétence pour édicter le droit ainsi soumis aux règles juridiques qui légitiment mais qui ont aussi l' obligation de réguler. Il est une personne morale par rapport aux individus et aux organisations qui sont définis comme des personnes juridiques. Car un état fonctionne parfaitement quand les normes édictées sont respectées en vertu de l' ensemble du droit, celui du respect de la règle du jeu ( *28), de l' alternance et du principe de légalité. Et en théorie, les lois renvoient obligatoirement vers des personnes jouissant de compétences , les élus, qui les mettent en oeuvre dans le souci de l' intérêt général.

Or par rapport à ces trente dernières années qui viennent de s' écouler , on a pu constater combien le principe de légalité avait été bafoué et la Corruption internationnalisée.En effet dans la Corruption légaliste, l' acte de Corruption n'est-il pas celui qui viole les lois formelles régulant les comportements des élus et des administratifs?

 

L'ordre civique et public est ébranlé dans ses fondamentaux par l' intrusion de l' intérêt privé au détriment de l'intérêt général.

Le système social est menacé par tout acte de Corruption nuisible à l' intérêt commun. On constate alors comme le dit Etchégoyen que " L'état n'implique pas la Corruption mais que la Corruption naît et se développe dans l' État par le bias de pratiques privées dans le service public émanant de l' existence de certaines élites dirigeantes et leurs implications au sein du Système".

Afin de mieux comprendre les interactions entre l' individu et son milieu, l' analyse systémique du système politique établi par l' éminent sociologue et économiste allemand, Joseph Aloîs Schumpeter  " In the Economics and Sociology of Capitalism" largement influencé à son tour par les théories de Max Weber ( *29) définit mieux que quiconque l'organisation étatique à partir des sphères sociales. Pour ces éminents économistes le Système est l' ensemble des sous-systèmes ayant des interactions entre elles; chaque sous-système renvoyant à des sorties: offres ou "output" et répondant à des demandes ou " input". C'est ainsi que Schumpeter définit l' évolution économique mondiale crée à travers l' activité novatrice des entrepreneurs , laquelle en permettant de nouveaux comportements socio-culturels bouleversent les institutions de l'Etat de droit. Car les entrepreneurs , les leaders peuvent être au sommet de la hiérarchie économique mais aussi sociale et exercer ,de ce fait, une influence sur l' esprit , la culture et la politique d'une période donnée : J. Shumpeter in Imperialisme et classes sociales ,1919): " Les entrepreneurs capitalistes entrèrent en lutte contre les anciens groupes dirigeants pour s'assurer à leur tour un pouvoir de contrôle sur l' État. Le fait même de leur réussite, leur position, leurs ressources, leur puissance, leur firent gravir rapidement les degrés de l' échelle politique et sociale. Leur mode de vie, leur forme d'esprit jouèrent un rôle de plus en plus important dans la vie sociale. Leurs décisions, leurs aspirations, leurs intérêts , leurs croyances marquèrent de plus en plus profondément l' histoire de leur nation".

Pour Schumpeter , les entrepreneurs sont des leaders et participent au développement de la société capitaliste. Ils créent des fonctions, des innovations débouchant sur les gros revenus et la promotion sociale et surtout bénéficient d'un crédit certain. Il en va de même au niveau politique. L'homo Politicus porte les mêmes caractéristiques que l' Homo Economicus ou du moins en porte t-il les stygmates. Par définition il est bien l 'homme qui a un rapport avec les affaires publiques, le gouvernement d'un état de droit nouant aussi d'étroites relations avec d'autres états. Son fonctionnement renvoie aux institutions , à la Politike grecque. Il est élu par l' ensemble des citoyens pour en être leur représentant politique mais aussi économique et social. Il s'agit non seulement d'un acte juridique mais aussi d'un contrat politique afin d'occuper de hautes fonctions à responsabilités adminsitrative , municipale, ministérielle, présidentielle.

Ne parle t-on pas d'un président ou ministre VRP de la République?

 

 

     b: Les instigateurs

 

En effet la notion d'élu repose sur la notion de contrat moral mais aussi sur celle constatée lors de l' achat ou la vente d'un produit caractérisé par une notion d'échange marchand entre deux personnes: une qui vend, l' autre qui achète un produit ayant une certaine valeur. Appliquée à la politique, la notion de clientèlisme est qualifiée de réseau c'est-à-dire correspondant à un noyau d'individus ayant des interactions entre elles pas forcément louables. Le terme est détourné de sa fonction et implique une stratégie basée sur l' argent. Ainsi peut-on acheter le vote d'un citoyen- client par le biais de cadeaux, d'argent, d'une promotion sociale. L' élu intervient illégalement sur le citoyen. Cette notion et ce comportement a pu s'apprécier lors du procès dit des " Faux electeurs" du III ème arrondissement de Paris qui s'est tenu au TGI de Paris le 11 septembre 2006 où étaient renvoyés le " Clan" Dominati pour s' être rendu coupable de manoeuvres frauduleuses ayant portées atteinte à la sécurité des élections municipales de 1989 à 1995. A sa tête le député patriarche Jacques et ses deux garçons: Philippe, sénateur, et Laurent, conseiller de Paris, relaxé dans l'affaire et devenu depuis Ambassadeur au Honduras. Ces procédés peu orthodoxes relèvent de la Corruption. Elle se caractérise bien comme le non respect des règles de droit mais aussi des devoirs par tout acteur de la vie publique. Et la plupart du temps il s' agit toujours d'un élu ou d' un fonctionnaire. On constate donc que la Corruption suppose la connaissance des lois pour mieux les contourner.

En effet , comme l' entrepreneur, l' élu se caractérise par la création d'innovations, développe des réseaux basés sur le clentélisme, des profits débouchant sur de confortables revenus et ses comportements prennent appui sur la promotion sociale au nom du carriérisme et d'un crédit certain. Mais le mal provient de la gestion et surtout de l' utilisation des finances que ce dernier en fait, mais surtout de la façon à  distinguer la notion d'enrichissement personnel et celui dans le cadre des campagnes politiques censées renvoyer à l' intérêt général. Et là on peut constater le degré de vénalité des élus.

En tout état de cause la Corruption constitue la violation d'une norme au moyen d'une transaction illicite afin de faire bénéficier coruupteurs et corrompus d'une somme d'argent acquise grâce à leur position sociale influente sur un marché au sein de l' État. L'élu n'hésite pas à recourir en outre à des procédés peu orthodoxes bien connus pour ceux qui ont appris à manier la politique politicienne, cette dérive voire cette violation de la science poitique que l' on appelle "le double langage" (*30), véritable leurre linguistique basé sur l' inverse de ce qui est mais encore la manipulation( ¨*31) et le trafic d'influence( *32) .

 

 

       c: Les mécanismes

 

A un certain moment tous les coups sont permis et tous les moyens sont bons pour parvenir à gagner un marché ou s'enrichir insolemment en bafouant l' intérêt général au profit de l' intérêt particulier. A un certain moment il n'existe pas de corruption sans production de fausses factures , ni sans constitution de caisses noires , ni sans sociétés off shore ni sans intermédiaires qui tournent autour de la grande criminalité; encore moins sans blanchiment d'argent. Or la plupart du temps il s'agit de détournements des fonds publics.Tous les contournements des institutions sont permis. Les termes juridiques employés relèvent de ce que l' on appelle la corruption active et la corruption passive auxquels s'ajoutent la manipulation et le trafic d'influence.

Ils trouvent écho dans l'Art 432-11 définissant la corruption et le trafic d'influence commis par des fonctionnaires exerçant une fonction publique et dans l' Art 433-1 du Code Pénal en matière de corruption et de trafic d'influence actifs commis par des particuliers.

 

On entend par Corruption active ( Art 433-1, 433-22, 433-23, 433-25 du Code Pénal) celle qui renvoie au corrupteur (Lamy: Droit des affaires), " Le fait pour un particulier d'obtenir ou de s'efforcer d'obtenir, moyennant des avantages quelconques ( offres, promesses, dons), d'une personne chargée d'une fonction publique qu' elle accomplisse ou s'abstienne d'accomplir, un acte de sa fonction comme par exemple des versements pour obtenir des marchés. En outre souvent une proposition impliquant une contre partie est assortie de menaces, violences ou encore d'actes d'intimidation."

Dans son Art 433-25 le Code Pénal prévoit aussi que les personnes morales peuvent voir leur responsabilité pénale engagée pour corruption active commise pour leur compte , par leurs organes ou représentants.

 

Est qualifiée de Corruption passive ( Art: 432-11, 433-17 et 435-1-5 du Code Pénal) celle qui renvoie au corrompu et qui est " Le fait pour tout dépositaire de l' autorité publique de solliciter ou accepter du corrupteur les avantages précités ou s'abstenir d'accomplir un acte de sa fonction. Il faut aussi préciser ce que l' on entend par dépositaire de l' autorité publique.

Cette notion correspond en effet à toute personne " Qui est titulaire d'un pouvoir de décision et de contrainte sur les individus et les choses, pouvoirs qu' elle manifeste dans l'exercice de ses fonctions, permanentes ou temporaires et dont elle est investie par délégation de la puissance publique ( donc toute personne chargée d'une mission de service public mais aussi les patrons de presse et journalistes inclus): " Vitu A; J-CL Pénal,fasc 10, Art 432-11.

 

Les personnes dépositaires de l' autorité publique regroupent toutes les personnes investies d'un mandat électif. Ceux sont les représentants de l' Etat: président de la République, les ministres, députés nationaux et européens, les secrétaires d'Etat, les préfets et sous-préfets, mais aussi les maires et leurs adjoints à l'étranger, les ambassadeurs et consuls, les fonctionnaires de l'État mais aussi des magistrats et leurs greffiers depuis l' entrée en vigueur de l' Art 434-9 du Code Pénal comme par exemple dans les DOM- TOM notamment en Polynésie Française où il s'agit du président du gouvernement.

Bien qu' on définisse séparément ces critères , leurs relations sont intrinsèquement mêlées puiqu' il n'y a pas de corrompu sans corrrupteur et vice versa. C'est dans ce rôle de composition qu' intervient la notion de pacte illicite qu' il faut s'attacher à démontrer dans toute résolution d'affaires.

 

     d: Un pacte illicite ou l'organisation d'un véritable circuit

 

Il correspond " à un consensus , un accord tacite ayant pour objet des sollicitations, des propositions ou agréments d'offres, de promesses, de dons, de présents ou davantages quelconques aux fins d'obtenir du corrompu l'accomplissement ou l' abstention d'actes de sa fonction ou des facilités par celle-ci ( les propositions ou sollicitations devant être antérieures à l' acte ou l' abstention sollicités.)"

On doit se rendre donc à la triste évidence que cette trilogie corrompu/corrupteur/tiers dont l'entente est bâtie sur l'utilisation d'un pacte, est très souvent employée et constitue la pierre angulaire du délit de corruption. De plus force est de constater que cette infraction menace l' autorité de l' Etat puisque le but de ces agissements illégaux est d'obtenir des avantages d'une autorité ou d'une administration publique. Céder aux sollicitations de la personne dont il s'agit dans le but qu' une personne accomplisse ou s'abstienne d'accomplir un acte de sa mission ou de son mandat ou bien encore facilite par sa fonction, sa mission ou son mandat ou que cette personne abuse de son influence réelle ou supposée , implique le fait d'utiliser de sa position et de son influence illégalement. On parle alors de trafic d'influence lequel a une incidence sur toute décision dans le but d'obtenir à chaque fois une décision favorable. Le trafic d'influence a de nombreux points communs avec le délit de corruption dans ses éléments constitutifs.

Ainsi comme le rappelle le doyen Vitu ( J. CL, Pénal, Fasc 10, Art 432-11), " Dans le délit de corruption, le corrompu monnaye l' accomplissement d'un acte de sa fonction ou d'un acte facilité par elle. Dans le domaine de trafic d'influence, la personne coupable ne se place pas dans le cadre de sa fonction mais en dehors: elle use ou abuse du crédit qu' elle possède ou qu' elle croit posséder, du fait de sa position dans la société ou l' administration , du fait aussi des relations d'amitié qu' elle a pu nouer avec d'autres personnes ou des liens de collaboration qui se sont tissés entre elle et les fonctionnaires d'autres services publics. "

Toutefois il faut distinguer deux formes d'infractions selon que la personne exerçant une fonction publique ou le particulier sollicite ou accepte des avantages ( dons, promesses, offres) pour son intervention: on parle alors de trafic d'influence passif; ou selon qu' un tiers propose ces avantages ou faveurs en vu de l' intervention de celui qui les reçoit: il s'agit de trafic d'influence actif.

 

Ces chefs d'accusation vont trouver ilustration dans quelques affaires retentissantes portées enfin à la connaissance du public qui ont secoué ces dix dernières années la juridiction correctionnelle du Tribunal de Grande Instance ( TGI) de Paris: l' Affaire des marchés publics des lycées de l'Ile de France et qui reste une des plus belle affaire de corruption de financement des partis politiques de ces vingt dernières années. Un procès à rebondissements qui ont vu certains prévenus faire appel de leur condamnation dont le pronocé du verdict a eu lieu en date du mardi 27 février 2007. En outre suite à cet audiencement certains prévenus se sont pourvus en cassation.



 

 

 

 

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