MISE EN EXAMEN DU PRÉFET GARDÈRE: LA GOUTTE D'EAU QUI FAIT DÉBORDER LA VASE....

Publié le par LOUISE DE LOU

Lors du procès de Claude Guéant qui s'était tenu au TGI de Paris du 28 septembre au 7 octobre dernier et des cinq préfets sarkozistes renvoyés en correctionnelle accusés de "s'être gobergés de primes en liquide" au détriment des services de police (voir mon article sur LEX_DE_LOUISE) , il avait répondu présent pour dédouaner son "patron" de l'époque Michel Gaudin . Et sans déroger à ses habitudes d'homme pressé il était arrivé accompagné de ses confrères policiers devenus désormais préfets comme lui telles Martine Monteil ( la Femme flic par excellence) et Pierre de Bousquet de Florian ( ancien de la DSTde 2002 à 2007, aujourd'hui DGSI) . Droit et sec comme un roseau qui plie mais ne rompt pas dans son manteau sombre , le débit de parole un peu saccadé et la main ferme et tendue pour vous présenter ses civilités au style quelque peu robotisé , le préfet Gardère , car c'est de lui qu'il s'agit , était apparu somme toute décontracté...Insoutenable légèreté de l'être ....Pas le genre... ...l'inconscience alliée à de l'inconséquence savamment organisée ou plutôt une manière de donner le change...il y a fort à parier...

En tout état de cause ce haut fonctionnaire de la République âgé de 59 ans, marié et père de trois enfants, qui n'avait pourtant jamais démérité , a été mis en examen le 21 janvier dernier pour des faits de "corruption passive, d'abus d'autorité, prise illégale d'intérêt par personne exerçant une fonction publique mais aussi de recel de biens sociaux et de détournements de fonds publics". Et ce suite à une information judiciaire débutée le 29 septembre 2015 inhérente à une enquête incidente sur une affaire de travail dissimulé. En effet soupçonné d'avoir obtenu des services mais surtout des faveurs tels des voyages , invitations en tout genre lors de son mandat de directeur au Conseil National des Activités Privées de Sécurité ou CNAPS , ce dernier a été placé en garde à vue dès le mardi 20 dans le cadre de l'enquête diligentée par l'IGPN , la police des polices . A son issue le préfet Gardère a été obligé de verser une caution de 150 000 Euros et est désormais sous contrôle judiciaire avec l'interdiction d'exercer tout emploi public lié à la sécurité et à l'aéroportuaire. Des faits encourus et réprimés par le Code Pénal de dix ans d'emprisonnement et d'un million d'amende. En outre son directeur de cabinet au CNAPS a été également mis en examen pour " atteinte à la liberté et à l'égalité d'accès aux marchés publics, corruption passive par agent public et complicité de détournements de fonds publics".

GARDÈRE: UN PARCOURS AU SERVICE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE.

Nommé le 11 décembre 2014 pour une prise de fonction effective dès le 1er janvier 2015 comme directeur du CNAPS en charge de l'agrément , du contrôle des agents et des entreprises de sécurité privée en remplacement du préfet Jean-Yves Latournerie voguant désormais dans l'espace cybernétique, Alain Gardère a été débarqué sans roulement de tambour ni trompette par le ministre de l'intérieur Bernard Cazeneuve . Et par arrêté du 19 janvier 2016 relatif aux fonctions internes de direction du CNAPS, François Pény qui occupait jusqu'alors le poste de secrétaire général de cette organisation remplace désormais le temps de sa suspension le préfet soupçonné de manquements au devoir de probité.

Pourtant ce haut fonctionnaire comme ses prédécesseurs "limogés", tous ont pourtant fait preuve un temps de compétences et se sont aussi singularisés par des états de services irréprochables. C'est dans cette voie que s'inscrit le parcours du préfet Gardère.

Originaire de Pau mais né en Algérie, Alain Gardère fréquente la faculté de droit de Bordeaux Montaigne où il obtiendra une maîtrise en droit public qui lui permettra de présenter son concours dans la police où ce serviteur désormais de l'État , aux dents longues mais pugnace et compétent, gravira les nombreux échelons en matière sécuritaire. Il sera alors affecté dans le commandement des forces urbaines dans les Côtes d'Armor, à Dinan, retrouvera dans les années 80 le Béarn sous les ordres des commissaires Lion et Tristan , puis dans les Hauts de Seine à Puteaux notamment. En 1993 il sera nommé chef de bureau spécialisé en délinquance urbaine et affaires judiciaires de la direction centrale de la police territoriale. En janvier 1999, il est nommé chef d'état major de la direction centrale de la sécurité publique puis en janvier 2002 la direction départementale de la sécurité d'Ile et Vilaine le rattrapera. Sa culture et sa grande connaissance du terrain et de ses réseaux lui feront approcher les arcanes du pouvoir sarkoziste car en 2002 il sera coopté au Ministère de l'Intérieur , jugé " bon pour le service" de Nicolas Sarkozy et occupera le poste de directeur de cabinet du Directeur Général de la Police Nationale ( DGPN) Michel Gaudin pour lequel il conserve une amitié sans failles. "Parce que c'était moi, parce que c'était lui" parlait ainsi en 1572 dans son Essai sur l'Amitié, l'homme de lettres Michel Montaigne à l'égard de son ami La Boétie.

Il n'empêche, dès lors l'ascension du commissaire est fulgurante.En 2005 Il dirigera alors la politique urbaine de proximité ou PUP et sera à la tête d'une armada de quelques 13 000 policiers issus de 20 commissariats. Riche de cette expérience il portera alors la réforme de la police du Grand Paris et s'appuiera sur 26 000 hommes comme directeur de la sécurité de proximité de l'agglomération parisienne. En 2011 alors qu' il est nommé directeur adjoint du cabinet de Claude Guéant, Marseille tremble sur ses fondations sécuritaires. Le préfet y sera envoyé en mission qui s'articulera dans l'éradication des nombreux règlements de comptes qui jusqu'alors ont ensanglanté cette belle méditerranéenne aux pieds d'argile. Mais l'arrivée au pouvoir de la gauche en 2012 et le mécontentement de certains dans le règlement de sa dernière mission fera qu'il sera " muté" et chargé alors de la sécurité des aéroports de Roissy et du Bourget jusqu'à sa nomination au CNAPS en décembre 2014.

DES QUINQUENNATS GANGRENÉS POUR MANQUEMENTS AU DEVOIR DE PROBITÉ ET D'INTÉGRITÉ....

De nos jours l'amour du travail bien fait dans le respect des valeurs de l'état de droit n'a pas l'air de sensibiliser à outrance le quidam. Quand à la notion d'intégrité certains en méconnaissent totalement sa définition quant à l'application de ses principes... c'est bien alors pour les mêmes le cadet de leur souci. Mais voilà quand l'hexagone est arrivé à un tel degré de gangrène, il est quand même temps de tirer la sonnette d'alarme dans de nombreux secteurs et par forcément dans celui qui nous touche encore aujourd'hui. Il serait donc plutôt nécessaire d'utiliser le scanner si prisé dans ce milieu-ci pour effectuer des radiographies efficaces et faire agir la prévention . Ce qui aurait pour mérite de permettre alors la répression à sa juste valeur et non de s'agiter exclusivement au moment même de l'infraction , fermant de ce fait selon la tradition hexagonale comme à l'accoutumée la porte "quand le cheval est sorti". Ce qui renforce une fois encore la piètre image du couple police justice qui est mal perçu au delà des frontières, même si encore certains s'attribueront des satisfécits glorieux avec une auto suffisance rare , arguant du fait "que tout n'est pas si mal que cela en France...allez voir dans d'autres endroits". Certes mais pourquoi se contenter toujours du minimum et ne pas faire d'effort pour aller vers l'excellence....

Alors à quel moment dépasse-t-on les frontières de la légalité, comment devient-on " "border-line" et pourquoi? Sentiment de puissance à outrance ou d'impunité? Quid de toutes ces " bonnes raisons " que la raison serait censée ignorer....Autant de cas existenciels à débattre mais surtout à régler...

Alors Stop...N'en ajoutons plus !!! Carton rouge quand même sur toute la ligne pour cette énième frasque relevée dans un des secteurs institutionnels les plus sensibles qui a mis le citoyen sur la réserve jusqu'à en décrier avec férocité le statut même du policier qui est censée montrer l'exemple . Mais méfions-nous toutefois de ne pas nous laisser emporter par l'amalgame . Car il serait malhonnête de ne pas constater l'énorme travail et la prise de risque fournis au quotidien par des unités zélés qui aiment eux aussi l'amour du travail bien fait dans les règles de l'art et du droit.

LE MONDE POLICIER ÉBRANLÉ PAR SES PAIRS

Pourtant après le procès Guéant dit " procès des primes en liquide" ( voir mon article sur le même BLOG), on pensait que les écuries d'Augias avait été nettoyées, que les cavaliers s'étaient remis correctement en selle prêts à gagner le Prix de l'Arc ou encore d'Amérique au nom de l'intégrité . Et bien non. Il semble qu'il n'en soit rien. Car si tout policier impliqué est jugé par ses pairs , en l'occurence l'IGPN, et doit répondre de ses frasques et manquements dans le cadre de l'enquête de cette dernière jusqu'à en subir souvent les affres , en 2013, cette vénérable institution a elle aussi tremblé sur ses fondations voire aussi ses fondements. En effet elle a subit des revers et non des moindre avec notamment la suspension de son N° 2 Eric Draillard en raison de ses liens avec Joachim Masanet, dit Jo, ancien syndicaliste et président de l'Association Nationale d'Actions Sociales (ANAS) relative aux personnels de la place Beauvau. Il était en effet reproché à ce policier "d'avoir profité des largesse" de l'ANAS et de son président. Aujourd'hui revue et corrigée voire refondue , l'IGPN est gérée de main de maître par la commissaire centrale Marie-France Monéger-Guyomarc'h. Selon les statistiques du Rapport 2014 de l'IGPN, 742 enquêtes ont été diligentées par quelques 110 enquêteurs et adressées au parquet dont 668 manquements au devoir de probité ont été recensés regroupant 4 enquêtes menées en matière de corruption et 5 pour vol. En outre 69 enquêtes ont été diligentées pour violation du secret professionnel, 44 pour une violation sans contre partie avérée , 7 pour violation du secret par voie de presse. De plus l'IGPN déplore que 289 agents aient été mis en cause dans 21 enquêtes transmises aux autorités administratives soient 281 policiers dont dix isont ssus du corps de direction, 31 du corps de commandement, 229 du corps d'encadrement , 11 agents de sécurité et 8 rattachés au ministère de l'intérieur.

Ensuite dans la foulée des manquements il y a eu le limogeage du commissaire central de la PJ , du mythique 36 Quai des Orfèvres Bernard Flaech suite à sa faute considérée par l'institution policière et judiciaire comme déontologique qui avait jeté un peu plus le discrédit dans la "Maison poulaga." Une faute qui avait consisté à donner un coup de fil à l'ex ministre de l'Intérieur Brice Hortefeux , lequel devait être entendu comme témoin lors d'une audience en rapport avec Nicolas Sarkosy . Sans oublier le vol de 54 kilos de cocaïne dans les scellés du mythique 36 par des policiers, puis encore le viol présumé par des policiers d'une policière canadienne lors d'une soirée bien arrosée au 36.

Depuis le monde de la police n'en finit plus de faire des vagues. Ce qui donne à l'institution l'image d'une grosse poule plombée et cela commence à faire sacrément désordre. Ce qui est paradoxal mais inadmissible pour cette autorité censée représenter la loi , l'appliquer et la pérenniser. Car que reste-t-il du Système, de l'État quand les garde fous institutionnels sont gangrénés et que l'État de droit est bafoué depuis autant de temps?

Bernard Flaesh exit, bonjour Bernard Petit . Ce pur produit de l'institution ayant gravi toutes les marches de la criminalité organisé et la grande délinquance financière avec compétence et efficacité , qui a géré de main de maître les attentats de début janvier qui ont donné des insomnies aux forces de l'ordre , a lui aussi été limogé en février 2015 pour " violation d'une enquête judiciaire , soupçonné d'avoir renseigné via des intermédiaires l'ex-patron du GIGN Christian Prouteau ( renvoyé en son temps lui aussi devant le TGI de Paris lors du fameux procès dit des Écoutes de l'Élysée. ) et ce avant sa garde à vue en octobre dans un dossier judiciaire portant sur un trafic de cartes de séjour où apparaissent en outre C. de Rocancourt, Kofi Yangane, ex secrétaire d'état à l'intégration de feu P. Bérégovoy ainsi qu'un notaire et l'avocat M.Ceccaldi.

L'affable Bernard Petit installé par Manuel Valls qui l'a aussitôt suspendu et devra répondre désormais de " violation du secret de l'instruction et de révélation d'informations sur une instruction dans le but d'entraver le déroulement des investigations et de la manifestation de la vérité ". Et que dire encore de l'emblématique Commissaire lyonnais Michel Neyret qui a tenu en haleine l'IGPN qui a " dévidé la pelote" avec dextérité comme dit souvent le juge Renaud Van Ruymbeke dans l'appréhension de ses instructions. Un Neyret , "tombé avec huit de ses comparses dont trois truands du milieu lyonnais pour "violation du secret professionnel, corruption, trafic d'influences passif par personne dépositaire de l'autorité publique, association de malfaiteurs , recel de scellés , détournement et détention et/ ou cession de stupéfiants ". Un inventaire à la Prévert qui a failli donner la nausée au directeur central Lothion quand il a appris les chefs d'accusation touchant l'un des plus emblématiques " flics" de France qu'il considérait comme un ami.

Sans cette fois faire de la mauvaise prédiction , gageons qu'il n'y ait pas avant longtemps de prochain sur cette triste liste noire d'atteinte à la probité et à l'état de droit...

LOUISE DE LOU

Publié dans DROIT-POLICE

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article