CORSE: QUAND L'ÉTAT DE DROIT A TOUJOURS DU PLOMB DANS L'AILE

Publié le par lou-de-louise

La Corse est une nouvelle fois en deuil et à travers l'assassinat d'un avocat , l' institution judiciaire dans son ensemble.

 

En effet cette belle entité azuréenne aux pieds d'argile baignant dans les eaux méditerranéennes à l'ouest de la Toscane et au nord de la Sardaigne, avec ses calanques protégées et sauvages , ses falaises dominant orgueilleusement et à perte de vue un horizon d'indépendance aux prix de moultes combats nationalistes , de revendications en tout genre , d'honorables familles mais aussi de présence mafieuse liée au grand banditisme,  a encore aujourd'hui perdu un proche, voire un être cher. 

Rebaptisée Ile de Beauté , baignée tour à tour par des influences étrusques, carthaginoises, maures mais surtout italiennes et françaises , connue pour son attirance enchanteresse digne de Circé , Kallisté en grec est désormais en train de revêtir pour la énième fois sa toge noire de grande tragédienne dont le Fatum est loin d' être ici la panacée des Dieux , et se draper dans la mort , certes un purgatoire inexorable pour ceux qui emploient des méthodes mafieuses mais qui ne sera jamais , quoiqu' en pensent ces adeptes, un exutoire à la haine et aux querelles. En effet riche de ses valeurs ancestrales qui personnifie sa culture, la Corse s'est forgée depuis le 30 janvier 1735 , date de sa première constitution , véritable modèle du genre pour l'histoire de la démocratie contemporaine,  une âme indépendante . S'ensuivra le 18 octobre 1738 par le Traité de Fontainebleau signé entre la France et Gênes "la mise en place d'un règlement de gouvernement de la Corse". 

A partir de 1755 elle croisera moultes fois le fer pour imposer le général en chef qu'elle s'est choisie Stéphane Paoli qui proclamera dans la deuxième Constitution du pays " le Droit des peuples à disposer d'eux mêmes ."

Le 15 mai 1768 elle est malgré tout cédée par Gênes à la France par le Traité de Versailles .

Depuis il semble que la Corse soit définitivement entrée en résistance, revendiquant son autonomie et son indépendance envers et contre tout , prenant le maquis pour un oui et pour un non quand les directives de la France ne lui conviennent pas , laissant surtout sans discernement la porte ouverte à un noyau de bandits voire de mafieux jouant sur les idéaux d'indépendance du peuple et qui ne lésinent pas sur la manière forte pour faire régner la peur et implanter un système de corruption bien rôdé, prenant ainsi moralement le peuple corse en otage.

L'image de l'Ile de beauté gravement entâchée est devenue inadmissible .

 

Car aujourd'hui encore un des leurs et non pas des moindres vient d'être assassiné et cette mort vient s'ajouter à la longue liste d'assassinats perpétrés en Corse dont le quinzième depuis le début de l'année.

En effet Antoine Sollacaro, avocat emblématique Corse a été " tué ce mardi 16 octobre à 9H 05 mn par les neufs tirs d'un pistolet semi automatique dont six balles portées à la tête, au thorax et au bras provenant du passager d'une moto, qui plus est, aux dires du procureur de la République Xavier Bonhomme, dans sa porsche" arrêtée sur le bitume d'une station service en direction de la route des Sanguinaires , dans cette Corse du Sud qu'il affectionnait tant , ne lui donnant ainsi aucune chance de s'en sortir.

Un véritable coup de canon digne de Paoli et un réel séisme ayant des conséquences importantes dont les Corses pourraient pâtir. Car cette mort violente, ce "meurtre prémédité" selon l'assertion du procureur révèle l'attentat et le recours à une certaine forme de "terrorisme" à l'égard de l'État de droit.

 

Car il en va effectivement de la violation par la violence de l'État de droit et de ses institutions.

Mais quel paradoxe que son contournement quand l'un des fondateurs du Code pénal et civil a pour nom un des corses les plus célèbres: Napoléon

 

Arrêtons nous un instant sur sa définition.

 

Un État de droit représente un système institutionnel dans lequel la présence publique est soumise au droit et sous-entend par le fait même l'existence de normes, de règles définies et acceptées par les personnes afin de régir les rapports sociaux mais garanties et sanctionnées par l'intervention de la puissance publique , c'est-à-dire l'État. Cette notion n'est pas nouvelle car de Montesquieu ( Dans l'Esprit des Lois) en passant par le juriste autrichien Hans Kelsen à l'époque contemporaine ou de Joseph Alois Schumpeter à travers ses brillantes théories sur l' Analyse Systémique, tous se sont interrogés sur le Système politique à travers l'application des lois qui le régissent et le régulent en faisant référence à la place de l' élu au sein même des institutions.

 

Dans ce contexte le 6 février 1998 à 21h15 mn un grand serviteur de l'État , un préfet de la République, Claude Erignac dont la tâche principale était celle de se conformer à ce qu'il avait toujours appris dans ses études préfectorales soit le respect de l'État de droit passant par celui de l'application des institutions basées sur la moralité et l'honnêteté , était lâchement assassiné et achevé de trois balles à bout touchant.

Le préfet aimait la Corse et pensait qu'il s'intègrerait dans sa communauté puisqu'il avait refusé toute sécurité rapprochée et se promenait souvent avec sa famille sans garde du corps. Mais le préfet est tombé dans un véritable guet-apens, abattu comme un pauvre chien suite au seul mérite d'avoir voulu faire régner l'État de droit de la République et d'appliquer à la lettre le fonctionnement institutionnel en s'attaquant aux malversations , aux petits arrangements entre amis voire à la corruption qui gangrène l'Ile de beauté.

Suivant un même scénario quelque peu analogue à celui de la mort d'Antoine Sollacaro le 25 février 1994 Yann Piat , députée du Var , ex membre du Front national passée désormais à l'UDF,  était lâchement assassinée à Hyères par l' un des passagers à moto. Cette dernière s'était faite forte de partir en guerre elle aussi contre la corruption et la drogue dans le Var qui était devenue une véritable plaque tournante en matière de magouilles affairistes notamment immobilières sur fond de corruption politique .

 

Bien sûr des enquêtes ont été rondement menées et des coupables ont été interpellés tel Yvan Colonna, surnommé le Berger de Cargèse qui continue de nier son implication , condamné à perpétuité début mai 2011 suite au rejet de son pourvoi par la Cour de Cassation à l'issu d'un troisième procès en appel par la Cour d'Assises spécialement composée datant de juin 2010. 

Concernant Yann Piat les soi-disants tueurs Marco Di Caro et Lucien Ferri ont été arrêtés tout comme le commanditaire, Gérard Finale , patron du bar le Macama dont selon certains, l'ambition était d'être le parrain du milieu varois et ce sur collusion du politique et de la mafia .

Concernant Antoine Solllacaro l'enquête lié à son assassinat ne fait que commencer.

 

Retour sur images sur Antoine Sollacaro:

 

Après une  scolarité effectuée chez les frères maristes de Toulon , puis des études de droit à Nice Il sera avocat dès 1970 , puis ensuite porté au Bâtonnat. Concerné très tôt comme bon nombre de Corses par le statut d'indépendance de l' île , n'ayant peur de rien , sa gouaille tonitruente et sa gestuelle intempestive le porte indubitablement vers la défense des militants nationalistes dont l'historique FLNC dans un procès notamment devant la Cour de la Sûreté de l'État à Paris.

Désormais ses clients , au vu du caractère entier et du parler vrai de l'avocat étaient souvent indissociables du statut d'amis . C'est ainsi qu'il devient proche du Mouvement pour l'Autonomie ( MPA), du FLNC mais aussi d'Alain Orsoni, le président en titre du football club d'Ajaccio.

Il sera le défenseur emblématique du Berger de Cargèse Yvan Colonna condamné après des années de cavales et de procès fleuves à perpétuité pour l'assassinat en 1998 du préfet Claude Érignac .

 

En 2012 il semble que l'État de droit a réellement du plomb dans l'aile en Corse , en témoigne les faits qui parlent d'eux-même. Cette situation n'est plus viable et il est nécessaire de déployer tous les moyens mis à dispositions de tout état comme la police , la justice et autres moyens de rétorsion pour définitivement juguler le pourrissement de la situation Corse.

Pour Simon Rénucci maire et porte parole d'une Ajaccio abasourdie, il s'exprimait après le drame dans les termes suivants:" Un avocat assassiné je n'en est pas en mémoire . Pour ce dernier l'avocat ne semblait pas inquiet et rien ne laissait présager de quoi que ce soit, d'ailleurs il revenait de vacances . La violence et sa spirale doivent cesser .  Cet assassinat lâche montre une dérive suplémentaire , un pas franchi et ce dans l'incompréhension la plus totale. On doit désormais se rassembler en silence car les Corses sont aussi les acteurs de la paix et cette dernière a besoin de tous ses frères et soeurs . Mais la Corse doit aussi réagir et nous espérons que François Hollande doit tenir ses promesses.

Quant à Dominique Bucchini, président de l'Assemblée de Corse, ce dernier dit " Basta!!!, Basta!!!, assez!!!... aux dérives car tous les clignotants sont désormais au rouge et le milieu glisse réellement et de plus en plus dans la délinquance" .

 

Pour le ministre de l'intérieur Emmanuel Valls, " Quand la robe de l'avocat est attaquée , c'est un des symboles de l'État de droit qui est mis en cause, il faut donc sans renoncer , sans faire aveu d'impuissance,  s'attaquer à cette Mafia , à ce qui gangrène la société corse. L'autorité de l'État se mesure en Corse à sa capacité de démanteler le système affairiste et empêcher les gens de se livrer à ce genre d'exaction. Cela veut dire qu'il faut agir plus sur le terrain, coordonner le travail entre la police et la justice, pénétrer et déstabiliser les réseaux affairistes et s'attaquer à eux et à ces hommes qui tuent".

S'ensuivait aussi un communiqué de presse du ministre de la justice Christiane Taubira suite" à l'annonce du meurtre de l'époux et du père "dans lequel elle "adressait un message de sympathie et de tristesse aux membres de la famille d'Antoine Sollacaro  , ancien Bâtonnier du barreau" , et déclarait " quand un avocat est victime d'une agression, c'est la justice toute entière qui est touchée".

 

Aujourd'hui le procureur d'Ajaccio a été dessaisi au profit de la saisine du JIRS ( Juridiction Interrégionale spécialisée) de Marseille mais les Corses demande son ressaissement arguant du fait qu'Antoine Sollacaro s'était battu toute sa vie contre eux. Aucune piste n'est privilégiée mais beaucoup de pistes seront suivies et vérifiées.

Après des perquisitiions au domicile et à l'étude de l'avocat pour en savoir d'avantage les enquêteurs se tournent aussi bien vers le mobile personnel que professionnel . Certains avancent la thèse nationaliste , pourtant Antoine Sollacaro  était proche de sa mouvance ayant été le défenseur d'Antoine Nivaggioni assassiné en 2011 un proche d'Orsoni, l'actuel président du Football Club d' Ajaccio , dans son différent avec Yves Manunta sur le dossier de la Société Méditerranéenne de Sécurité: la SMS et assassiné lui aussi en 2010. D' aucuns avancent le traitement de ses dossiers sulfureux en rapport avec le grand banditisme et dont les clients répondent aux noms de Robert Feliciaggi, Michel Tomi, José Manconi ou encore Francis Mariani. Enfin pour d'autres l'avocat qui s'était retiré de l'équipe de défense d'Yvan Colonna après le dernier procès du Berger devant la Cour d'Assise spéciale de Paris s'était tourné vers l'immobilier , un domaine qui a déjà fait ses preuves en matière de dérives affairistes ,  endossant la casquette de promoteur dans sa chère Corse du sud  .

Enfin pour d'autres l'assassinat du célèbre avocat relèverait d'une "poussette", c'est-à-dire à un acte commis sur un tiers et relative à une affaire gérée voici bien des années, en langage simple entendez une simple vengeance par rapport à un procès mal ficelé et mal abouti.

 

Quelle qu'en soit les tenants et les aboutissants , les moyens employés sont intolérables. On peut ne pas avoir aimé Antoine Sollacaro, ne pas avoir apprécié ses méthodes ou ses convictions, son comportement à l'emporte pièce,  il n'empêche qu'en matière de rendu judiciaire, l'application du contradictoire existe. Que tout un chacun a droit à sa propre défense et que pour quiconque ,  être abattu comme un chien relève de méthodes de voyous qu'aucune République appliquant la déontologie démocratique stricto senso ne doit laisser passer . Car aujourd'hui il en va de la survie du Système en général, d'une identité en particulier en tant que telle et du bien-être de ses ressortissants et finalement de la Démocratie à part entière et de ses fondements.

N'empêche qu' aujourd'hui comme hier avec Angélique Piat et sa soeur , puis avec Marie Christophine et Charles Antoine Erignac, Paul et Anna Maria Sollacaro sont désormais orphelins et eux aussi ont droit comme la République au respect.

 

 

LOUISE DE LOU

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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