MAISON BOSC: "QUAND LES FAISEURS NE SONT PAS LES PLAIDEURS"

Publié le par lou-de-louise

Elle assemble ses pièces tout en rassemblant ses commandes, file les meilleurs cotons sans se défiler, biaise la matière sans s'esquiver, taille des costumes sans médire ni maudire ; elle est même passée experte dans ses effets de manches confirmant par le fait même qu'elle a vraiment de l'étoffe.

Mais a qui donc s'adresse ces qualificatifs et quelle est la fonction qui se projette dans l'espace intemporel de la mode tout en l'habitant?.

Une ou un avocat, une ou un magistrat , une ou un président de Chambre ou d'université ?.

Peut-être tous à la fois mais alors avec quel don d'ubiquité peut-on déployer un tel style ?. Il n'empêche qu'en tout état de cause, il y a bien correspondance entre la robe voire celle ou celui qui la fait et celle ou celui qui la porte tel le Bernard l'Hermite dont le crustacé ou mollusque a besoin de sa coquille pour évoluer.

"Jamais sans ma petite robe noire" pourrait-on même s'écrier chez Guerlain en période de Fashion week.

Alors?

Il s'agit bien évidemment de la Maison Bosc, entreprise française spécialisée dans le costume d'audiences quel qu'il soit et considérée comme un des meilleurs Faiseurs du costume d'audiences français. Certes il existe sur la place quelques "maisons "depuis le rétablissement le 2 Nivôse An XI ( 23 décembre 1802) des costumes judiciaires par l' arrêté des textes consulaires et impériaux comme celle de la première, la Maison Lambert , puis de la Maison Lafontaine établies sous le règne de Louis XVIII . Depuis , chaque année, un décret publié au Journal Officiel fixe les cadres et différentes tenues portées par les membres de l'Institution judiciaire remplissant d'aise les Faiseurs français: de la Maison Bosc aux Maisons Ponsard et Dumas, Madame Petit ou encore de l'Artisan Costumier...

Une Lignée pour une Ligne désormais mise en ligne...

Toutefois la Maison Bosc de part sa position stratégique, sa boutique sise en face du Palais de Justice de Paris, a pignon sur audiences et la création de ses robes sur place,  contrairement aux autres faiseurs fabriquant au pays des Soyeux  (Lyon) ou encore en Poitou-Charentes, lui permet de " jouer de l'ourlet" plus rapidement et montrer par le fait même qu'il reste un des gardiens les plus aguerris en matière de traditions du costume d'audiences des cours de Justice , tribunaux et universités.  

Car Il faut compulser l'arbre généalogique de la Maison pour constater que de fil en aiguille , cette dernière "tire l'aiguille" et manie les ciseaux dès octobre 1798 suite au mariage entre une " demoiselle de comptoir" répondant au prénom de Louise et un Monsieur Bosc ,costumier , puis suite à diverses alliances composées de costumiers, couturières et brodeuses, la lignée, voire la Ligne Bosc débute dans le 11 ème arrondissement , puis s'affirme dans le 5 ème .

En 1845, au début de la Monarchie de Juillet, Madame Bosc , maîtresse femme aux lèvres ourlées et au sourire commerçant installe alors son enseigne "au pied du grand escalier conduisant à la première chambre de la Cour, sis 3 Boulevard du Palais de Justice de Paris". En 1925 la famille Bosc change réellement de patron et laisse son activité à divers repreneurs qui s'attacheront tous à pérenniser la marque.

Au fil des ans la Maison Bosc est devenue une institution à part entière . En 2008 elle est reprise et dirigée par un couple Olivier et Valérie Des Moutis et en 2012 elle est labellisée " entreprise du patrimoine vivant" , proposant comme tous les autres Faiseurs français d'ailleurs ses services en ligne.

Un pari pas simple mais un véritable challenge pour ce Normand aux origines aristocratiques et à la formation d'ingénieur formé à l' École Centrale qui a oeuvré pendant dix sept ans comme cadre à l'exportation et dirigeant de filiales informatiques entre le Japon, les États-Unis et l'Italie. Ayant fait le tour de cette profession et appris par son épouse que l'ex directrice de la Maison cherchait un repreneur, Olivier Des Moutis "passionné des beaux objets" et aimant la " prise de risques" se lance dans l'aventure de la création des costumes d'audiences. Pendant un an , il ne touche à rien constatant que la matière est intacte . Préférant observer, ce dernier s'appui sur les fondamentaux de la célèbre Maison dont le produit jouit toujours d'une notoriété certaine . Peu à peu ce dernier impose sa " griffe" basée sur le savoir faire à la Française, la spécificité des méthodes artisanales comme la qualité des tissus, des fournisseurs et des sous-traitants et surtout la création à domicile et le " Fait maison" qui permettent la pérennité de l'artisanat. A cet effet il passe de six employés à neuf employés à temps complet afin de développer la diffusion et la production.

Une création faite sur place

Devant l'enseigne et en devanture un costume et toque d'avocat trônent en exposition au milieu de quelques produits dérivés de la Maison Bosc : d'une petite balance , symbole de Dame Justice, aux petites statuettes à l'éphygie d' hommes de Cour en passant par des boutons de manchettes " toqués". Quand on pousse la porte à la petite sonnette désuète des boutiques d' Antan où rien n'a changé, l'odeur de la patine et des tissus emplie le petit espace destiné à la vente et vous saisie à la gorge. Sur un portant les nombreuses robes attendent leur client portant le nom tantôt de l'avocat mais encore du professeur d'université, du greffier ou encore du magistrat de France, de Navarre mais surtout d'Afrique ou du monde anglo-saxon car 28% revient à l'exportation. 

Après la prise de commande du client au profil des plus variés comme celui de l'avocat pénaliste en renom que fut feu Olivier Metzner ou bien de ce haut magistrat américain siégeant à la Cour Suprême ayant eu un coup de coeur pour " la French touch" en passant par la jeune avocate fraîchement reçue à l'école du Barreau, il en va ensuite de la prise de mesures. Celle ci se fait habituellement en boutique mais comme les créateurs ayant parfois de prestigieux clients , la Maison Bosc se déplace à domicile ou sur les lieux de travail du client. Ce fut notamment le cas pour le grand manteau rouge bordée d'hermine du Président de la Cour des Comptes.

Puis vient le temps de la coupe. Un escalier étroit mène en sous-sol à l'atelier où une grande table sur laquelle  s'activent les ciseaux , prend toute sa place et fera le lit à la première ébauche de la robe. Au milieu d'une débandade de patrons et de moules à toques , une débauche de dentelles de Chantilly et de plissés mais aussi de fourrures telles le petit gris, l'hermine ou le lapin attendent un mélange judicieux et judiciaire à la laine, le tergal , le polyester ou encore à la faille, la serge, la soie, le satin voire le cashmere devenu la matière phare revendiquée par la Maison Bosc.

Au premier étage, si certaines employés assemblent à domicile, Meyriem et Joubeda, de petites mains aux doigts agiles s'affairent sur les finitions: là des boutonnières passepoilées, là un ourlet à reprendre...

Il faut compter de 15 jours à trois semaines pour prendre possession d'une robe .

Aujourd'hui si l'on garde "sa robe d'avocat" , pour certains, pour une durée de de quinze ans ( la maison Bosc répare aussi les robes)  d'autres, plus conservateurs, peuvent la garder leur vie entière. En tout état de fait il coûtera aux plaideurs, présidents de chambres, magistrats ou encore bâtonniers et autres garants de l' Institution , selon leurs goûts pour la matière mais aussi leurs budgets de 495 Euros à 3000 Euros. A cet effet l'Institution rembourse une petite partie du costume au titre de frais .

En 1822, Stendhal emporté par sa passion dévastatrice pour Mathilde Dembowski se lançait en bon écrivain romantique dans la rédaction d'un ouvrage au titre évocateur: " De l'Amour" et d'une portée psychologique, définissant par le fait même le sentiment amoureux comme une" cristallisation des passions". Un thème retrouvé aussi dans son célèbre opus Le Rouge et le noir. Deux couleurs choisies depuis des siècles par l'Institution judiciaire pour en revêtir ses membres.

Gageons alors que ces derniers soient , en revêtant le port de la Robe , inspirés par / et amoureux de l'Institution et fassent leur,  l'assertion du grand écrivain:

" En un mot, il suffit de penser à une perfection pour la voir dans ce que l'on aime".

En ce sens alors de grands Faiseurs pourront-ils s'énorgeuillir d'avoir apporté "leur touche" à de grands plaideurs ?...

 

LOUISE DE LOU

 

 

 

 

 

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